Les friches urbaines végétalisées : des interstices mais pas des communs ?
Francesca Di Pietro  1@  , Marion Brun  2@  
1 : UMR Cités, Territoires, Environnement et Sociétés  (CITERES)  -  Website
CNRS : UMR7324, Université François Rabelais - Tours
33 allée Ferdinand de Lesseps BP 60449 37204 Tours cedex 3 -  France
2 : UMR Cités, Territoires, Environnement et Sociétés  (CITERES)
Université de Tours, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR7324

Cette proposition de communication porte sur les friches urbaines végétalisées, des espaces sans usage officiel et colonisés par une végétation spontanée peu ou pas soumise à gestion ; elle entend interroger les dynamiques et les fonctions changeantes de ces espaces urbains transitoires.

Très variables en taille, localisation, et dynamiques d'apparition, les friches urbaines sont régulièrement comblées par l'urbanisation et recrées ailleurs dans la ville par son extension, ou par la désurbanisation (plutôt en périphérie) voire l'abandon ponctuel (plutôt au centre-ville) ; elles reflètent ainsi la diversité des dynamiques urbaines et en sont partie intégrante. Or, bien que dépourvus d'usage officiel, ces espaces, notamment dans les zones urbaines à haute densité, font l'objet de pratiques informelles habitantes, allant de la promenade au jardinage voire la résidence. Ce sont ainsi des espaces verts informels (informal green spaces, IGS), étudiés dans de nombreux pays. Tout en étant une réponse concrète à la demande sociale d'espaces verts publics, ces interstices verts représentent une opportunité pour la biodiversité urbaine (Harrison & Davies, 2002 ; Kattwinkel et al., 2011 ; Rupprecht et al., 2015a) et invitent à penser différemment la nature en ville (Jorgensen & Tylecote 2007 ; Rink & Herbst 2012; Gandy, 2013), tant ils se différencient des espaces verts conventionnels (Threlfall & Kendal 2017), auxquels les destinent certains projets de requalification (Qviström, 2008; Anderson & Minor, 2017; Rega-Brodsky et al., 2018). Pourtant les usages temporaires qu'ils abritent permettent un verdissement écartant la gentrification (Rupprecht & Byrne, 2017). Une divergence est par ailleurs constatée entre les représentations des friches urbaines des habitants et des gestionnaires, pour qui les friches urbaines sont surtout des vides à bâtir (De Sousa, 2003; Doick et al., 2009 ; Hofmann et al., 2012).

Nos propres travaux, placés dans les cadres théoriques de la géographie de l'environnement et de l'écologie urbaine, ont permis de confirmer, à travers des relevés botaniques et des enquêtes, la valeur des friches urbaines comme support de biodiversité (Bonthoux et al., 2014 ; Brun et al., 2017a), et de mettre en évidence la relations entre les représentations des friches par les habitants et leurs pratiques sur ces sites (Brun et al., 2017b) ainsi que le type de végétation en place (Brun et al., 2018). Si nous confirmons la différence entre les représentations des friches urbaines par les habitants et par les gestionnaires, nous soulignons l'hétérogénéité des avis de ces derniers, propriétaires ou gestionnaires publics, quant à la « naturalité » des friches (Brun et al., 2019).

Dans cette communication, qui se place au carrefour des deux axes de l'appel, nous explorerons en quoi la « naturalité » des friches, dont nous fournirons une définition critique, distingue les processus d'appropriations à l'œuvre dans les friches urbaines végétalisées de ceux attestés dans d'autres espaces publics non végétalisés. Ces pratiques d'appropriation de l'espace, voire de privatisation, posent la question : les friches urbaines, sont-elles des communs ? Cette proposition de communication s'appuie sur un ensemble de recherches développées depuis 2012 dans le cadre de plusieurs projets, dont deux en cours, et se fait l'écho de débats tenus lors du colloque « Les friches urbaines : une forme de nature en ville ? » (2019, Tours). Elle sera également nourrie par les débats qui ne manqueront pas d'animer la session « Les friches urbaines : territoires d'innovations ou temps de conflits ? » du prochain colloque du Collège International des Sciences du Territoire (Novembre 2020).

 

Références citées

Anderson, E.C., Minor, E.S., 2017. Vacant lots: an underexplored resource for ecological and social benefits in cities. Urban For. Urban Green. https://doi.org/10.1016/j.ufug.2016.11.015

Bonthoux, S., Brun, M., Di Pietro, F., Greulich, S., Bouché-Pillon, S., 2014. How can wastelands promote biodiversity in cities ? A review. Landsc. Urban Plan. 132, 79–88. https://doi.org/10.1016/j.landurbplan.2014.08.010

Brun, M., Bonthoux, S., Greulich, S., Di Pietro, F., 2017a. La nature en ville, une notion transversale aux services écosystémiques en ville. Le cas des délaissés urbains. Environ. Urbain / Urban Environ.

Brun, M., Di Pietro, F., Bonthoux, S., 2018. Residents' perceptions and valuations of urban wastelands are influenced by vegetation structure. Urban For. Urban Green. 29, 393–403. https://doi.org/10.1016/j.ufug.2017.01.005

Brun, M., Di Pietro, F., Martouzet, D., 2019. Les délaissés urbains: supports de nouvelles pratiques et représentations de la nature spontanée ? Comparaison des représentations des gestionnaires et des habitants. Nouv. Perspect. en Sci. Soc. 14, 153–184.

Brun, M., Vaseux, L., Martouzet, D., Di Pietro, F., 2017b. Usages et représentations des délaissés urbains, supports de services écosystémiques culturels en ville. Environ. Urbain / Urban Environ.

De Sousa, C.A., 2003. Turning brownfields into green space in the City of Toronto. Landsc. Urban Plan. 62, 181–198.

Gandy, M., 2013. Marginalia: Aesthetics, Ecology, and Urban Wastelands. Ann. Assoc. Am. Geogr. 103, 1301–1316. https://doi.org/10.1080/00045608.2013.832105

Jorgensen, A., Tylecote, M., 2007. Ambivalent landscapes—wilderness in the urban interstices. Landsc. Res. 32, 443–462. https://doi.org/10.1080/01426390701449802

Kattwinkel, M., Biedermann, R., Kleyer, M., 2011. Temporary conservation for urban biodiversity. Biol. Conserv. 144, 2335–2343. https://doi.org/10.1016/j.biocon.2011.06.012

Qviström, M., 2008. A waste of time ? On spatial planning and ‘wastelands' at the city edge of Malmö (Sweden). Urban For. Urban Green. 7, 157–169.

Rega-Brodsky, C.C., Nilon, C.H., Warren, P.S., 2018. Balancing urban biodiversity needs and resident preferences for vacant lot management. Sustainability 10, 1679. https://doi.org/10.3390/su10051679

Rink, D., Herbst, H., 2012. From wasteland to wilderness – aspects of a new form of urban nature, in: Richter, M., Weiland, U. (Eds.), Applied Urban Ecology: A Global Framework. pp. 82–92.

Rupprecht, C.D.D., Byrne, J.A., 2017. Informal urban green space as anti-gentrification strategy ?, in: Curran, W., Hamilton, T. (Eds.), Just Green Enough: Urban Development and Environmental Gentrification. Routledge.

Rupprecht, C.D.D., Byrne, J.A., Garden, J.G., Hero, J.M., 2015. Informal urban green space: A trilingual systematic review of its role for biodiversity and trends in the literature. Urban For. Urban Green. 14, 883–908. https://doi.org/10.1016/j.ufug.2015.08.009

Threlfall, C.G., Kendal, D., 2017. The distinct ecological and social roles that wild spaces play in urban ecosystems. Urban For. Urban Green. 0–1. https://doi.org/10.1016/j.ufug.2017.05.012

 

 


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