DES « COMMUNS URBAINS » DANS LA PÉRIPHÉRIE ROMAINE A L'INFORMALITÉ DE L'ÉTAT
Hélène Nessi  1@  
1 : Laboratoire Architecture,Ville, Urbanisme, Environnement  (LAVUE)
CNRS : UMR7218, Université Paris X - Paris Ouest Nanterre La Défense
Ecole Nationale d'Architecture Paris Val de Seine 3 quai Panhard et Levassor 75013 Paris 7ème étage bureau 711 -  France

Cette proposition s'inscrit dans l'axe 2 portant sur les « communs : le collectif dans la ville » et s'intéresse à l'évolution de « communs », de leur émergence à aujourd'hui, dans des quartiers informels (Vallat et al., 2008, Coppola, 2016) périphériques. Plus particulièrement, si l'idée de communs est associée à la critique de la ville néolibérale (Festa, 2016 ; Dardot et Laval, 2014), nous opérerons ici un léger déplacement pour nous intéresser aux relations entre les collectivités et « ces communs ». Parfois ambiguës et floues, ces relations témoignent d'un processus d'informalité[1] de l'action de l'État, à l'œuvre tant au plan politique, juridique et social, qu'économique (Boudreau et al. 2016). Cette informalité a pris la forme « des communs » et compense l'absence de l'État ou la défaillance du service publics (Cottin-Marx et al., 2017 ; Boudreau et al. 2016 ; Meahger, 2012, Trefon, 2009) bien souvent dans les territoires périphériques des métropoles. D'abord associée aux sociétés des Suds, cette informalité est, à partir des années 1990, l'objet de découverte dans les pays du Nord. C'est la raison pour laquelle nous avons retenu la ville de Rome comme terrain d'étude. A Rome, environ 800 000 habitants (de La Seta, 1988, Vallat, 1996) sur 2,5 millions (Istat, 2018) sont des résidents issus de l'urbanisation informelle périphérique initiée à partir des années 50' désormais régularisées. Cette urbanisation informelle, plus de 11 000 hectares, a largement participé au développement de la ville par son étalement urbain, mais a généré un besoin urgent d'accès aux réseaux essentiels et de requalification de ces zones d'interstices. Ces zones sont organisées en consorzi di autorecupero que nous analyserons en tant que “communs”. D'un point de vue méthodologique, 18 entretiens qualitatifs de plus d'1h30 ont été menés de 2018 à 2019.

 

A Rome, à partir de 1993, face aux lenteurs de la puissance publique à requalifier les quartiers de la périphérie, les associations syndicales réclament un système d'autogestion afin d'obtenir plus vite les services essentiels manquants. Sous la pression de ces associations, la municipalité, en 1994, met en place une nouvelle procédure qui concerne le mode de requalification des zones informelles. Les honoraires de construction versés à la commune sont mis à disposition de consorzi regroupant les habitants d'une zone urbanisée. Le consorzio gère les fonds à disposition. À partir d'un modèle de gouvernance démocratique, il propose les interventions les plus adéquates et les plus prioritaires pour la zone. Néanmoins, une partie de ces interventions, sont des services en réseaux essentiels, normalement fournis par la municipalité, qui se connectent à un réseau centralisé (eau et assainissement, électricité, illumination publique, voirie). Cette proposition présentera l'évolution des communs dans le temps avec l'émergence d'un commun politique au sens de Laval et Dardot (2014) mettant en avant les effets positifs d'une émancipation collective et individuelle. Toutefois, ces effets ne doivent pas dissimuler la mise en place d'une certaine informalité de l'État vis à vis des citoyens faisant reposer sur eux la production des services essentiels.

Boudreau J-A., Lesemann F., Martin C., 2016, « L'État en processus d'informalisation. », Lien social et politique, Issue 76, p. 3–23. DOI :10.7202/1037076ar

Coriat B., 2013, Le retour des communs. Sources et origines d'un programme de recherche, Revue de la Régulation [en ligne], 14 /2èmesemestre / Autumn 2013. DOI : 10.4000/regulation.10463

Cottin-Marx S., Hély M., Jeannot G. & Simonet M., 2017, « La recomposition des relations entre l'État et les associations : désengagements et réengagements », Revue française administration publique, 163(3), p. 463-476. DOI :10.3917/rfap.163.0463

Festa D., 2016, « Les communs urbains. L'invention du commun », Tracés. Revue de Sciences humaines, p. 233-256. DOI : 10.4000/traces.6636

Laval et Dardot, 2014, Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, Paris : La découverte.

Meagher K., 2012, «The strength of weak states? Non-state security forces and hybrid governance in Africa», Development and Change, vol. 43, n° 5, p. 1073–1101. DOI :10.1111/j.1467-7660.2012.01794.x

Oström E., 1990 [trad. Française 2010], Governing the commons. The evolution of institutions for collective actions, Cambridge: Cambridge University Press.

Trefon T., 2009, «Public Service Provision in a Failed State: Looking Beyond Predation in the Democratic Republic of Congo », Review of African Political Economy, vol. 36, 2009 - Issue 119, p.9 à 21. DOI : 10.1080/03056240902863587

Vallat C., Semmoud N., Monnet J., Lefrançois D, 2008, « Constructions illégales, activités informelles, interstices urbains : la ville, indomptable territoire », Historiens et Géographes, 403, p.113-123.


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