La socialisation des "jeunes filles et garçons de cité" par le quartier à l'aune de l'occupation de l'espace
Mickael Chelal  1, *@  
1 : Institutions et Dynamiques Historiques de l\'Économie et de la Société  (IDHES)
Université Paris Nanterre : UMR8533
* : Corresponding author

Cette proposition de communication vise à présenter un aspect de ma thèse en cours qui concerne les dimensions spatiales de la socialisation des « jeunes filles et garçons de cité » dans la construction des rapports sociaux de sexe dans le quartier. A partir d'une enquête ethnographique basée sur l'observation participante en résidant dans la cité des Marnaudes à Rosny (93), cette recherche se penche sur la façon dont les différentes identités sociales peuvent se construire à partir des différents usages de la cité (en prenant également en compte les mobilités en dehors du quartier puisqu'elles sont très structurantes (Oppenchaim, 2016)) ; comment se transmettent, pour les filles et les garçons, les différents codes, normes, valeurs propres à la cité, celles de la «sous-culture de rue » (Lepoutre, 1997) et participent à former des interactions spécifiques entre filles et garçons ? Elle vise à s'intéresser aux garçons et aux filles dans un même moment puisque les « filles n'apparaissent pas dans l'expression ''jeunes de cité'' » (Clair, 2008), en se focalisant sur la place qu'occupent ces dernières.

Lorsque je parle de « jeunes », je pars de l'enfance, dès les premiers pas autonomes dans la cité (autour des 5-6 ans) qui vont contribuer à construire un rapport de proximité à l'espace public, avec des différences de genre, jusqu'aux moments où ces jeunes arrêtent ou du moins fréquentent beaucoup moins assidûment la cité (cela peut aller jusqu'à la trentaine ou plus pour les garçons et autour de la majorité ou la vingtaine pour les filles). Durant toute cette période se construit un rapport à l'espace qui sera le support de la socialisation et des rapports sociaux de sexe au sein du grand ensemble. 

Dès lors, il faut passer par l'observation de la hiérarchie sociale propre au monde des jeunes de la cité. Il existe une stratification sociale composée de deux grandes catégories, la catégorie des « petits » et celle des « grands ». Cette hiérarchie sociale a pour principe de fonctionnement un rapport de domination et de subordination des « grands » sur les « petits » qui marque une dimension verticale de la socialisation. La place des « grands »- uniquement masculin, il n'existe pas de « grande » ce qui renseigne une nouvelle fois sur les différence genrée de l'occupation de la cité à certains âges- et ce qu'ils représentent vont influencer l'occupation de l'espace des filles et des garçons dans la recherche et la formation d'espace d'entre-soi, principalement initié lorsque les groupes de pairs sont formés dans l'adolescence. Ces espaces d'entre-soi se nichent dans des espaces interstitiels, surtout pour les garçons (hall, caves, entrée d'un square...). Les filles, dont l'occupation de l'espace est moins intense mais tout de même existante à des âges précis, se contentent de ce qu'il reste tout en choisissant stratégiquement l'emplacement. C'est que nous développerons à travers l'ethnographie de deux micro-espaces occupés par des adolescents et jeunes adultes à partir de l'occupation d'une sortie de secours située au 14ème étage d'une tour du quartier par un groupe de jeunes hommes et un banc occupé par des adolescentes.

Cette proposition, qui s'inscrit dans l'axe « Interstices urbains, l'entre-deux de la ville », souhaite donc développer les entrées « spatialités et temporalités » et « usages, fonctions, appropriations » en décrivant les logiques de construction des rapports à l'espace depuis l'enfance et celles de la socialisation par la cité avec les rapports de génération qui pousse à édifier des micro-territoires privés dans ces espaces interstitiels ou publics. Nous tenterons d'expliquer comment se construisent ces espaces avec leurs appropriations poussées. Nous verrons, enfin, les fonctions de ces espaces qui sont surtout des lieux de socialisation à travers une dimension horizontale par l'entre-soi du groupe de pairs qui, par exemple, participe à édifier des manières de voir le monde ou construire les identités de genre.

 

Bibliographie :

CLAIR I., Les jeunes et l'amour dans les cités, Paris, Armand Colin, coll. « Individu & Société », 2008.

LEPOUTRE D., Cœur de Banlieue. Codes, rites et langages, Paris, Odile Jacob, 1997.

OPPENCHAIM N., Adolescents de cité. L'épreuve de la mobilité, Tours, Presses Universitaires François Rabelais, collection Perspectives Villes et territoires, 2016.


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