Des arts peu communs et des processus urbains - Entités, frontières et structures sociales processuelles
Fabrice Raffin  1, *@  
1 : Université de Picardie Jules Verne  (UPJV)
Université de Picardie Jules Verne : EA4287
* : Corresponding author

Des arts peu communs et des processus urbains - Entités, frontières et structures sociales processuelles 

Retour sur 28 ans d'analyse des friches culturelles et artistiques

 

Par Fabrice Raffin, socio-anthropologue, Maître de Conférences à l'Université de Picardie Jules Verne.

Revenant sur 25 ans d'analyse des friches culturelles et squats artistiques depuis mon premier travail sur le Tacheles à Berlin en 1992, jusqu'à la publication en 2007 de l'ouvrage Friches industrielles - Un monde culturel européen en mutation, mon exposé proposera une théorisation socio-anthropologique inversée des espaces interstiels comme frontières structurant les entités urbaines. Reprenant l'armature conceptuelle d'Andrew Abbott[1] à propos des frontières, il s'agira précisément de sortir d'une pensée des interstices définis comme espaces en marge ou secondaires pour les appréhender comme des frontières moteur des processus sociaux. Des espaces d'activités d'exceptions et d'évènements qui priment sur les entités sociales stables et répétitives.

 Comme l'écrit Andrew Abbott, « Les frontières apparaissent en premier, les entités (sociales) ensuite ». Par rapport aux frontières, les entités de stabilité sociale (on pourra dire ici une ville), « se présentent comme des places fortes loin à l'abri des zones frontalières ». Dans cette conception inversée du monde social, les frontières ne sont pas la marge ou des lieux secondaires, mais le cœur du monde social, ayant une structure spatiale et se définissant comme des sites de conflits constitués en zones d'actions. Ce n'est pas l'événement social qui est exceptionnel, mais sa répétition et sa stabilisation dans une institution par exemple. Aussi, selon une ontologie processuelle du social fondamentale les marges, les insterstices sont définis comme premiers par rapport aux entités stables ou institutions. Les frontières sont alors le lieu par lequel la stabilité se crée dans un monde social définit avant toute comme « un monde d'événements » (G. H. Mead, 1932). Les entités sociales qui appaissent stables (institutions, villes) sont celles qui sont capables de reproduire les évènements et A. Abbott de préciser que « les entités se distinguent (des frontières) par leur propriété de répétition en étant des évènements qui continuent à apparaître de la même façon ».

A partir d'exemples de sites industriels ou marchands abandonnés et reconvertis en lieux culturels, je montrerai notamment comment ces espaces interstitiels ne se définissent pas par la marge des mondes artistiques et culturels centralisés, mais sont au contraire en interaction avec eux et à même de les redéfinir, tout en participant de dynamiques urbaines plus larges. Il s'agira ainsi de montrer combien les espaces et les « choses des frontières », pour rependre les termes d'A. Abbott, sont le centre des processus de transformations urbaines.

[1] Toutes les citations sont tirées de Abbott A. (2016), “La pertinence actuelle de l'école de chicago”, in Andrew Abbott et l'héritage de l'école de chicago, sous la dir. Didier Demazière et Morgan Jouvenet, Coll. En Temps et Lieux, Ed. EHESS.


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